Hypertrophie de la prostate et produit laitiers

  • 06 Août 2020
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A partir de 50 ans, un des problèmes de santé le plus répandu chez les hommes est l'hyperplasie bénigne de la prostate  (HBP). Cette augmentation du volume de la prostate est également appelée hypertrophie de la prostate ou adénome de la prostate. 

Plus de la moitié des quinquagénaires sont touchés; entre 60 et 80 ans se sont plus des deux tiers, et 90 % des octogénaires sont concernés ! De nombreuses études mettent en évidence qu’il y a un lien entre l’alimentation et le cancer de la prostate. Certaines recherches affirment que le lait cause le cancer de la prostate. Mais la question de savoir si l’alimentation et en particulier si le lait provoque l’hyperplasie de la prostate est non moins cruciale. 

LES MALADIES DE LA PROSTATE

La prostate peut principalement être affectée par trois maladies:

  • le cancer

  • l’hypertrophie bénigne de la prostate

  • la prostatite

Il est important de préciser tout de suite que l’hypertrophie bénigne de la prostate et cancer de la prostate sont deux maladies indépendantes. L’hypertrophie bénigne de la prostate n'est PAS un stade initial du cancer. 

L’hypertrophie bénigne de la prostate augmente progressivement sans que les homme ne s’en rendent compte au début car sa progression est lente. L’adénome de la prostate n'en demeure pas moins une maladie dont les symptômes peuvent devenir très gênants, en fonction de l'augmentation du volume de la prostate : problèmes importants pour uriner, accompagnés le plus souvent de troubles sexuels. Mais la rétention urinaire peut s’aggraver au point de ne plus pouvoir uriner. Une intervention chirurgicale lourde de conséquences est alors nécessaire.

La prostate peut aussi être affectée par une infection aiguë ou chronique qui est appelée la prostatite. La prostatite est souvent provoquée par une infection urinaire.

Coupe transversale de la prostate.  Située sous la vessie, elle est traversée par l’urètre (canal qui permet à la vessie de se vider de l’urine) et par les canaux éjaculateurs (qui permettent le passage du sperme depuis les vésicules séminales). En grossissant, la prostate exerce une pression sur l’urètre et gène la vidange de la vessie.

Coupe transversale de la prostate. Située sous la vessie, elle est traversée par l’urètre (canal qui permet à la vessie de se vider de l’urine) et par les canaux éjaculateurs (qui permettent le passage du sperme depuis les vésicules séminales). En grossissant, la prostate exerce une pression sur l’urètre et gène la vidange de la vessie.

 

POURQUOI LA PROSTATE GROSSIT-ELLE?

L’hypertrophie bénigne de la prostate dépend principalement du statut hormonal. C'est la transformation de la testostérone (hormone mâle) en dihydrotestostérone (DHT ) par une enzyme nommée 5-alpha réductase et en hormones féminines (oestradiol)  par une autre enzyme, l'aromatase qui provoquent l’augmentation de volume de la prostate.  La modification de l'équilibre hormonal vient progressivement avec l'âge, et est aussi dépendante de l'augmentation du poids corporel et d'autres facteurs relatifs au mode de vie, comme l'activité physique. On peut aussi légitimement se poser la question des perturbateurs endocriniens dont on parle beaucoup depuis plusieurs années. Si ceux-ci sont capables de modifier le fonctionnement hormonal, il peuvent sans aucun doute agir sur la production de testostérone et  ses dérivés.

 

QUE FAIRE POUR EMPÊCHER LA PROSTATE DE GROSSIR?

L'alimentation joue un rôle important pour l'HBP comme pour le cancer de la prostate: la consommation d'aliments « protecteurs » va diminuer le risque de développer une maladie, et un excès de certains autres aliments augmentera ce risque. Quels sont ces aliments ou nutriments ?

 

QUATRE APPROCHES SCIENTIFIQUES POUR DÉTERMINER LE RÔLE DE L’ALIMENTATION SUR L’HBP

D'une manière générale toutes les études qui cherchent à mettre en relation les aliments et la santé sont difficiles à mettre en oeuvre et présentent le plus souvent des défauts méthodologiques. Les quatre approches scientifiques pratiquées sont:

  • des études d'observation, basées sur des statistiques d'incidence des maladies

  • des études basées sur l’analyse des tissus prostatiques ou sur des animaux

  • études sur les habitudes alimentaires de milliers de personnes

  • des méta-analyses qui réunissent toutes ces études pour en faire une synthèse

 

 

 

ETUDES D'OBSERVATION

Pour la prostate par exemple, on a d'abord constaté que les  hommes asiatiques  souffraient moins de ce problème que les occidentaux. Si on cherche plus loin une relation avec des facteurs alimentaires, on pensera en premier lieu aux produits laitiers, puisque les asiatiques n'en consomment pas ou beaucoup moins que nous. Mais peut-être aussi est-ce la consommation de thé vert, de soja ou de poisson ? Et si se sont vraiment les produits laitiers, quels nutriments sont concernés ? Le calcium, les protéines, les graisses saturées, le lactose , les facteurs de croissance ?

 

ETUDES IN VITRO OU IN VIVO

Les études in vitro ou in vivo sont pratiquées pour mettre en évidence les mécanismes de dérèglement du mode de fonctionnement normal. Une étude in vitro datant de 1987 (observation de tissus prostatiques obtenus par biopsie) avait mis en évidence une augmentation de la concentration en calcium dans le noyau des cellules de la prostate, progressant avec l'âge (1). C'est insuffisant pour conclure que les produits laitiers pourraient favoriser l'HBP.

 

ETUDES SUR LES HABITUDES ALIMENTAIRES

Dans des études de cohortes, des milliers de personnes sont interrogés plus précisément sur leurs habitudes alimentaires, et les différents groupes observés sont comparés avec des outils statistiques. La période d'observation doit être suffisamment longue pour permettre l'apparition des maladies potentielles, le plus souvent de nombreuses années. On ne peut jamais se baser sur ce que les gens ont réellement mangé, mais sur ce qu'ils déclarent manger!

Une étude japonaise assez ancienne (1983) avait mis en évidence un risque augmenté avec la consommation de produits laitiers, alors que le risque diminuait avec une consommation suffisante de légumes. Toutefois le nombre de participants était faible (200 hommes) et il s'agissait d'une étude rétrospective, qui ne peut pas trancher sur une relation de causalité, mais seulement ouvrir une porte pour des études ultérieures (2).

Une autre étude rétrospective, australienne cette fois et comprenant 868 hommes, a mis en évidence un effet protecteur des légumes, du tofu et de la viande rouge, alors que les produits laitiers riches en graisse augmentait le risque de HBP (3).

Une étude italienne qui s'est déroulée entre 1991 et 2002 a tenté elle aussi de mettre en évidence quels groupes d'aliments pouvaient représenter des facteurs de risque pour l'HBP. Elle conclut qu'il n'y a pas de relation avec les produits laitiers, mais qu' une consommation plus importante de céréales, de volaille ou d'oeufs constituait un risque augmenté, alors que les légumes cuits, les légumineuses et les agrumes avaient un effet protecteur. Il y a donc une confirmation de l'effet protecteur des légumes, mais pas concernant le risque lié aux produits laitiers (4).

Une autre étude américaine avec un suivi de 4770 participants entre 1994 et 2003, avait conclu qu'une alimentation pauvre en graisses et en viande rouge, mais riche en protéines, était protectrice. La consommation d'alcool et de légumes diminuait également le risque (5).

 

MÉTA-ANALYSES

Après avoir réalisé un nombre suffisant de ces études, on peut alors faire des méta-analyses, soit mettre ensemble toutes ces études pour en faire une synthèse  et sortir de nouvelles statistiques, un peu plus fiables que celles tirées d'une seule étude. Les études concernant la relation entre les produits laitiers et l'HBP sont peu nombreuses et il n'existe pas encore de méta-analyses.

 

EST-CE QUE LES PRODUITS LAITIERS AUGMENTENT LE RISQUE DE L’HBP?

Sans méta-analyse ni études d'intervention, il n'y a encore aucune certitude concernant le rôle des produits laitiers dans l'apparition de l'HBP.

Par ailleurs il serait bien utile de savoir de quels produits laitiers on parle. Le lait de quel animal ?  Sont-il fermentés ou non ? Ceux issus de lait produit industriellement, par des vaches nourries au maïs et au soja OGM? Ou alors du lait d'un petit producteur bio qui soigne ses vaches avec des huiles essentielles plutôt que des antibiotiques ?

Cela n'incite encore une fois pas à faire la promotion des produits laitiers industriels, puisque leur impact a été plus étudié pour le cancer de la prostate. Ce dernier semble plus clairement favorisé par une alimentation pro inflammatoire riche en protéines animales, dont les produits laitiers, qui provoquent également une augmentation plus importante du taux d'IGF-1, facteur de croissance des tumeurs. Si l'incertitude demeure pour l'HBP, n'est-ce pas simplement parce que les facteurs de risque alimentaires ont été moins étudiés ? Certaines études mettent aussi en relation l'augmentation de l'IGF-1 avec l'HBP. En 2001 déjà des chercheurs américains avaient formulé cette hypothèse, qui mettait en parallèle l'augmentation de l'incidence de l'HBP au Japon avec l'augmentation de la consommation de produits animaux (6).

 

 

ALIMENTS À RISQUE ET ALIMENTS PROTECTEURS DE LA PROSTATE

 

Un effet protecteur des légumes, certains fruits, ou végétaux comme le thé vert semble apparaître dans toutes les études. Cela provient de leur richesse en flavonoïdes qui inhibent la transformation de la testostérone en DHT et en oestrogènes.

Le problème des graisses est également complexe : une étude in vivo avait démontré en 2010 que les acides myristiques et lauriques, qui sont des graisses saturées, avaient un effet protecteur sur la prostate ! (7) Cela est en contradiction avec les autres études déjà citées.... ou alors ce ne sont pas les graisses saturées elles-mêmes qui favorisent l'HBP mais leur contenu en perturbateurs endocriniens (qui s'accumulent dans les graisses).

Concernant les graisses végétales polyinsaturées, il faut d'abord faire la distinction entre oméga-3 et 6, seuls les oméga-6 étant pro-inflammatoires sont susceptibles d'aggraver la HBP. Ensuite on ne peut pas mettre dans le même panier les graisses natives (une graine ou un fruit oléagineux entiers) et  les graisses végétales industrielles riches en polyinsaturés, qui sont consommées sous leur forme oxydée (en raison des procédés d'extraction et d'une mauvaise utilisation, conservation).

Et les glucides alors ? Le lactose (sucre du lait) ne paraît pas en cause, de même que les produits sucrés, alors qu'on a parfois mis en évidence une relation entre HBP et céréales (4). Le mécanisme impliqué serait l'augmentation de la production d'insuline, qui à son tour provoque une élévation du taux d'IGF-1. Cela n'explique pas pourquoi les produits sucrés ne ressortent pas des études, puisque ce sont les premiers à augmenter le taux d'insuline !

 

CONSEILS POUR RÉDUIRE LE RISQUE DE HBP

 

En résumé, je crois qu'il faut rappeler quelques éléments importants : 

  • il n'y a pas d'aliment qui serait protecteur pour une maladie et mauvais pour une autre

  • il y a des aliments de mauvaise qualité (transformés, industriels) et de bonne qualité (bruts ou peu transformés, bio), évidence qui n'est pas pris en compte dans les études

  • les produits animaux de bonne qualité ne peuvent néanmoins pas être consommés en grande quantité sans risque pour la santé

  • certains aliments peuvent influencer indirectement l'apparition d'une maladie: un excès de sucre conduit à l'obésité, donc un excès de tissu adipeux, qui va augmenter le risque de HBP.

On a vu précédemment que les sucres, les graisses et les protéines pouvaient augmenter le risque de HBP, soit TOUS les macronutriments à l'exception de l'alcool ! Alors devrait-on arrêter de manger et se contenter de boire du vin ?

Soyons simplement raisonnables, et mangeons moins d'aliments à risque, mais de qualité supérieure. Pour les produits laitiers, je conseille un maximum de une portion par jour (30 à 50g de fromage ou 150g de yaourt) en alternant  vache, chèvre et brebis, et si possible à base de lait cru bio.

Et surtout n'oublions pas de consommer plus d'aliments protecteurs : légumes, herbes, épices, champignons... riches en fibres et en antioxydants.